Situation complexe : (résumé)
La gratuité du stationnement pour les personnes en situation de handicap (PSH) est devenue extrêmement complexe en région Bruxelles-Capitale (RBC) et la situation mérite des explications détaillées. Nous vous invitons à lire la totalité de cet article pour tenter de comprendre cette problématique mais nous pourrions la résumer comme suit:
Vous trouvez cela inquiétant? Nous aussi!
Et nous vous l’expliquons en détails dans l’article ci-dessous:
La gratuité du stationnement : (article complet)
Jusqu’au 8 juillet 2023, la gratuité du stationnement était garantie pour les personnes en situation de handicap (PSH) partout dans la Région de Bruxelles-Capitale (RBC) lorsque la carte européenne de stationnement pour personne handicapée était apposée derrière le pare-brise d’un véhicule. Depuis le 8 juillet 2023, l’octroi de cette gratuité est conditionné à de nouvelles mesures et celles-ci varient d’une commune à l’autre!
Actuellement aucune information claire n’est disponible au niveau des horodateurs et totems d’informations, et les informations sur les sites web des différentes communes sont parfois difficiles d’accès.
En plus, il y a des différences entre les communes qui délèguent la gestion du contrôle du stationnement à Parking Brussels et les autres.
Contexte historique :
Lorsque vous possédiez une carte de stationnement pour personne handicapée en Région de Bruxelles-Capitale (RBC), et que vous la placiez de manière visible derrière le pare-brise d’un véhicule, en tant que conducteur ou passager, vous aviez le droit de :
-stationner pour une durée illimitée au sein d’une zone bleue ou sur les emplacements à durée de stationnement limitée
-stationner pour une durée illimitée et gratuitement sur les emplacements publics payants
En RBC, la carte de stationnement pour personne handicapée est valable dans toutes les zones, y compris rouges et oranges. Attention : les parkings privés payants ne sont pas tenus par ces dispositions.
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Cette gratuité vient du fait que les alternatives à la voiture ne sont pas totalement accessibles en autonomie (telles que transports en commun, voitures partagées ou autre mobilité partagée) et que les moyens de paiements, comme les parcmètres, ne sont pas tous accessibles en autonomie.
Chronologie d’une discrimination annoncée :
L’agence régionale du stationnement a été créée par ordonnance en 2009.
Lorsque Parking Brussels a annoncé le souhait de l’arrivée des Scan Cars nous leur avons directement fait part de nos inquiétudes. Nous avons attiré l’attention de l’administration et du gouvernement quant aux risques liés à l’utilisation d’un outil technique qui n’était pas fiable en terme de détection des cartes de dérogation, notamment les cartes de stationnement pour personne handicapée. Le risque étant que malgré les nombreuses caméras embarquées, ces véhicules scanneurs risquaient de ne pas détecter ces cartes et ainsi d’engendrer indûment des redevances auprès des PSH.
Les scan cars scannent les plaques d’immatriculation, or la carte de stationnement pour personne handicapée est liée à une personne, pas à une plaque. Le moyen de contrôle était donc inadapté à la situation existante, c’est donc bien Parking Brussels qui a créé cette problématique.
Arrivée des Scan Cars et conséquences pour les PSH :
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Malgré de nombreux débats, réunions et interpellations, les responsables politiques et les administrations ont lancé les scan cars sur le terrain dès 2020. Ni le gouvernement, ni les administrations, ni Parking Brussels n’ont suivi nos conseils et des milliers de redevances ont été envoyées à des milliers de personnes en situation de handicap (PSH).
Tous les mois, il y avait plus de 2000 contestations de PSH, à qui des redevances de stationnement étaient envoyées indûment !
2000 contestations par mois en moyenne, ce ne sont que les chiffres de Parking Brussels.
En effet, d’autres communes ont également commencé à utiliser les scan cars mais elles ne sont pas gérées par Parking Brussels (La ville de Bruxelles, Woluwé Saint-Lambert, Uccle).
Il ne faut pas oublier que seules les PSH connaissant leurs droits contestaient ces redevances. De nombreuses personnes n’ont jamais contesté de peur d’être en tort ou parce qu’elles n’étaient tout simplement pas valablement informées par les autorités. Il y a eu de nombreux signalements auprès de notre association, du CAWaB et d’UNIA.
En plus de démarches administratives fastidieuses, certaines personnes ont même dû faire face à des mises en demeure par des huissiers !
Procès :
Devant ces discriminations, le peu d’écoute et de réactions de la part des responsables, nous avons décidé de nous joindre au CAWaB, avec UNIA, dans une action en justice contre Parking Brussels en 2021.
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Dans son jugement, le juge nous a donné raison:
Le 2 mai 2022, le Président du Tribunal de première instance de Bruxelles a estimé dans son jugement que le système de contrôle automatisé de stationnement – tel qu’organisé par Parking.brussels à l’aide de scan-cars – induit bien une discrimination indirecte sur la base du handicap. Il souligne le fait que l’Agence a implémenté un contrôle qui exige des démarches supplémentaires que celles prévues par les législations fédérales et régionales.
Le juge ordonne donc à l’Agence de faire cesser cette discrimination en prenant toutes les mesures nécessaires pour que les véhicules identifiés en défaut de paiement par les scan-cars n’incluent pas les véhicules pour lesquels une carte de stationnement pour personne handicapée est apposée sur la face interne du pare-brise. Il laisse un délai de 4 mois à l’agence pour faire respecter le jugement sous peine d’astreintes. Il ordonne également l’indemnisation de la victime à hauteur de 1300 €.
Réaction des responsables politiques :
Au lieu de nous soutenir dans un combat contre ces discriminations, le gouvernement a protégé cette agence jugée discriminante, en entamant le changement de l’ordonnance de stationnement. Ce qui a sauvé Parking Brussels en quelque sorte car c’était une manière de « légaliser » la discrimination avérée. Ce petit jeu politique permettait également à Parking Brussels de faire appel en utilisant cette nouvelle ordonnance contre nous.
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Cette dernière allait obliger les PSH, ou les personnes qui les conduisent, à s’inscrire sur des listes. Ces listes n’étaient pas (et ne sont toujours pas) homogénéisées dans toutes les communes bruxelloises, les conditions n’étant pas les mêmes pour s’enregistrer. Ce n’est pas parce que vous êtes inscrit sur la liste d’une commune que vous serez immunisé de redevance dans une autre commune!
Plusieurs canaux d’enregistrement ont été créés mais n’étaient pas tous accessibles. Certains canaux sont payants, un comble pour activer un droit à la gratuité !
Une seule plaque d’immatriculation pouvait être enregistrée par carte de stationnement, ce qui compliquait la vie des PSH se faisant conduire dans des véhicules différents (covoiturage, proches, bénévoles, parents d’enfant en situation de handicap, …). Autant de situations qui n’ont pas été prises en compte par le politique, malgré nos demandes répétées.
Vote de la nouvelle ordonnance au Parlement :
C’est ainsi qu’une nouvelle ordonnance et des amendements ont été votés au Parlement, ce qui a eu pour effet de compliquer la vie des PSH qui doivent maintenant s’inscrire sur des listes avant de pouvoir jouir d’un droit à la gratuité qui leur était garanti précédemment sans action préalable.
Les redevances ne sont maintenant plus contestables, même si une période de tolérance a été demandée.. jusque quand ? Cela reste flou. Les élections prochaines ne garantissent pas que les responsables politiques prochainement élus poursuivront cette période de tolérance.
Légalement, l’agence est maintenant en droit de réclamer des redevances et même des montants supplémentaires pour toute personne qui ne s’est pas préalablement enregistrée sur une liste et qui ne suit pas les obligations de Parking Brussels.
Il est quand même important que les députés qui ont voté cette ordonnance assument leur responsabilité dans ce dossier, car ce n’est pas faute de les avoir prévenus des complications qu’un tel vote allait engendrer auprès des PSH :
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Situation actuelle :
Voici pour rappel, les nouvelles règles de stationnement entrées en vigueur le 8 juillet 2023 à Bruxelles pour les personnes détentrices de carte de stationnement pour personne handicapée : l’enregistrement de leur véhicule devient obligatoire, suite à l’adoption par le gouvernement de l’ordonnance du 6 juillet 2022 sur l’organisation du stationnement. L’enregistrement devra se faire par mail (délais d’application), via l’application 4411 (enregistrement d’une carte de paiement!), le bouton PMR (si il en existe un!) de l’horodateur (pas tous accessibles!) ou encore par SMS (payants!).
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Enregistrer de manière permanente un véhicule est une chose mais rappelons-nous qu’il y a des PSH qui se font conduire dans des véhicules différents.
Imaginez devoir vous enregistrer plusieurs fois par jour avec des plaques différentes, devoir à chaque fois fournir des documents différents (fournir un certificat d’immatriculation qui est demandé par la commune d’Uccle par exemple, avec un délai d’acceptation de la demande, empêchant toute spontanéité dans les déplacements), correspondant à un véhicule que vous ne possédez parfois même pas!
De plus, les droits temporaires sont limités jusqu’à minuit, ce qui vous oblige à vous enregistrer à nouveau le lendemain matin!
Les différents moyens d’enregistrements :
Le caractère payant du SMS, l’obligation d’encoder un moyen de paiement dans l’application mobile (alors qu’il s’agit justement d’une mesure permettant la gratuité), le manque d’information au niveau de l’horodateur sur ces modalités, le manque de cohérence et d’uniformité entre les droits en fonction des modalités et des communes (tant pour le droit continu de la whitelist que pour le droit ponctuel) constituent autant de nouveaux freins à la mobilité depuis que l’inscription est devenue obligatoire.
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Vous pouvez vous rendre dans un bureau de Parking Brussels mais ceux-ci ne sont pas tous accessibles aux PSH.
Celui de Schaerbeek par exemple, vous accueillera par plusieurs marches d’escaliers, totalement inaccessible!
Même si ce système propose plusieurs modalités d’inscription, dans les faits, cette obligation entraîne une crainte pour les PSH à demander de l’aide à autrui pour se déplacer, voire les décourage à sortir de chez elles. Ces mesures sont inadaptées comme le rappelle le CAWaB.
A titre d’exemple, pour les personnes transportées régulièrement par des conducteurs différents (et donc plusieurs véhicules), les solutions proposées ne permettent pas l’inscription d’une plaque de façon simple et efficace et sont perçues comme un casse-tête institutionnel.
Pour finir :
Alors que le Président du Tribunal de Première Instance de Bruxelles avait estimé dans son jugement que le système de contrôle automatisé de stationnement tel qu’organisé par Parking.Brussels induit bien une discrimination indirecte sur la base du handicap, le gouvernement bruxellois a tout de même adopté, malgré le lobbying intense réalisé par le CAWaB et Unia, un amendement de l’ordonnance relative à la politique de stationnement. Cet amendement a permis à Parking.Brussels d’éviter de payer des astreintes et surtout, d’ajouter des contraintes supplémentaires aux PSH au niveau des conditions permettant de bénéficier de la gratuité.
Rappelons que Parking Brussels est un prestataire choisi par certaines communes de la RBC pour déléguer la gestion du stationnement en voirie et que siègent au sein de son conseil d’administration plusieurs représentants de partis politiques qui sont censés protéger les citoyens et certainement ceux en situation de handicap.
Nous avions pourtant reçu des promesses de la part du Cabinet de la Ministre de la Mobilité, Elke Van den Brandt, pour faire évoluer le texte, notamment les arrêtés d’exécutions, mais cela n’a finalement pas abouti à de réelles avancées dans la prise en compte des intérêts des PSH.
Selon nous, le droit au stationnement gratuit devait être conditionné à la simple apposition de la carte de stationnement!
Initialement, les parlementaires avaient prévu un délai de 10 mois maximum pour retravailler l’ordonnance afin qu’elle réponde aux besoins des PSH. Nous déplorons que ce délai n’ait pas été mis à profit pour améliorer le système en place au travers de la concertation avec le secteur associatif.
Comme le rappelle un parlementaire dans sa question à la Ministre de la Mobilité, « la Région a joué la montre et a fait fi de la concertation prévue. Il s’agit (…) d’un manque total de correction face à des interlocuteurs qui se sont engagés à ne pas signifier leur jugement condamnant Parking.Brussels et à ne pas intenter de recours contre le dispositif de l’ordonnance. (…) Le système mis en place facilite davantage la vie de Parking.Brussels que celle des personnes en situation de handicap ».
La Ministre de la Mobilité, Elke Van den Brandt a été interpellée à de nombreuses reprises concernant ce recul au niveau du droit à la mobilité des PSH. Elle n’a pas pris de mesures afin de rétablir les droits des PSH, telles qu’une clarification et une uniformisation des mesures à l’échelle de la RBC ainsi qu’une adaptation du système de contrôle de stationnement actuel.
Cette évidente collusion entre les élus de la majorité du parlement bruxellois et son prestataire Parking Brussels prouve que, au moment de choisir entre protéger 1) son prestataire et ses administrateurs politisés ou 2) les PSH, le parlement a résolument décidé de protéger ces premiers. La connivence entre Parking Brussels et certains élus politiques est préjudiciable pour les PSH et fort inquiétante dans l’espoir de créer une société inclusive.
Récemment, en CRM-PMR (commission régionale mobilité, section PMR), Parking Brussels et le Cabinet de la Ministre de la mobilité avouait encore que toutes leurs solutions et leur communication n’étaient pas encore efficaces ou abouties et qu’il y aurait encore des « ratés », quel amateurisme après autant d’années!
Les derniers chiffres de Parking Brussels et de la Ville de Bruxelles (reçus en mai 2024) montrent qu’il y a encore entre 1000 et 2000 redevances contestées tous les mois par des PSH ! Sans compter celles qui sont contestées dans d’autres communes utilisant d’autres scan cars (Woluwé Saint-Lambert, Uccle).
A l’heure actuelle, Parking Brussels n’a toujours payé aucune indemnisation contrairement à ce qui avait été ordonné par le juge suite au procès gagné par les associations et UNIA.
Les médias en ont parlé récemment :
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Cette problématique a été couverte par la RTBF le 06/04/2024, vous trouverez ici les différents liens:
Emission investigation
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